Quinze jours ne furent pas de trop pour ressusciter un minimum navigable ! Trois moteurs bloqués (deux moteurs de traction et le groupe électrogène), arrêtés depuis sept ans en plein soleil sans aucun hivernage. Les injecteurs, complètement secs nous ont obligés à fumer le cigare : la cendre mélangée avec du gas-oil et du trichloréthylène fait une excellente pâte à roder pour re-démarrer ces derniers ainsi que les pompes à injection. Le système d’échappement qui devait être en cours de modification était en fait absent, et les moteurs s’étaient remplis d’eau. La rouille bloquait irrémédiablement les pistons dans les chemises ; il fallut juste de la patience (mais beaucoup), de la toile émeri, de l’huile (de machine et de coude!), des bouts de bois et une masse pour voir se mouvoir les pistons dans les chemises. Le resserrage des culasses ne fut pas effectué à la clef dynamométrique mais au pifomètre Christian. Surprenant mais cela fonctionne bien. Il faut dire que cet ami a une vie entière, y compris ses temps libres dans le diesel. Il n’était pas question refaire les faisceaux électriques des moteurs dans le temps imparti et j’avais synthétisé toutes les alarmes sur une seule sirène. (Elle a beaucoup fonctionné sur le trajet Trinidad-Fort de France.) Les durits et courroies paraissaient correctes, l’avenir nous appris le contraire.

Bien sur, le guindeau avait aussi été volé et les multiples avaries du trajet nous obligèrent à mouiller ; Là ce fut à l’équipage de jouer.

Le propre d’un moteur marin est de fonctionner en mer mais Angéline était au sec. Comme il n’était pas question de prendre la mer sans essais machines préalables, le chantier accepta de laisser le bateau dans la darse du « travlift » pendant le week-end. La vie a bord fut organisée en conséquence : Christian et moi-même aux machines, Danielle au jet d’eau et à l’aspirateur, Bernard à la toilette de mer : Cet exercice consiste à utiliser des bouts, des clous, des vis, un marteau, des bouts de bois et tout fixer à bord, de façon à ce que rien ne bouge même si l’embarcation tangue, gîte ou roule bord sur bord dans une mer formée (et elle le fut.)

Le lundi c’était avec une satisfaction non cachée que je pus répondre par l’affirmative à la question des grutiers: «Do you have your own power ?».


Durant les négociations d’achat, j’avais obtenu 15 jours de stationnement gratuit sur le chantier en vue de la remise en route. Le chantier Peake n’a absolument pas discuté, il était impossible pour quiconque de remettre à l’eau cette unité dans un laps de temps aussi court. Les moteurs étaient bloqués, les démarreurs, alternateurs, les pompes et même les échappements étaient absents. Mais ils ne connaissaient pas la fine équipe : Christian est ingénieur diéséliste de génie et marin professionnel. Bernard, marin pêcheur dans sa jeunesse et capitaine d'un yacht de 25m. Danielle est navigatrice transatlantique confirmée et moi je n’ai pas deux mains gauches.

J’avais bien sûr visité Angéline avant de l’acquérir et préparé un drôle de voyage avec Danielle, propriétaire de « Pithi » un Sortilège de Dufour. Préférant faire mes approvisionnements en Martinique nous avons donc emmené des batteries, une ancre, un peu de chaîne, des bouts, des caisses à outils, démarreurs, alternateurs, et beaucoup de ce qui manquait. Non sans oublier du liquide de refroidissement, je veux dire Blanc, Rosé, Rouge… en quantité suffisante pour…

Christian et Bernard arrivés de Paris par avion jusqu'à Fort de France étaient aussi du voyage (Ils avaient eux aussi amené du vin en cubitainers). Le Pithi nous servi de base logistique en attendant de pouvoir survivre sur Angéline.



C'est moi Angeline